L’histoire de l’Empire romain est connue dans la culture populaire en grande partie pour ses prouesses militaires. Ces dernières ont permis aux différents empereurs d’étendre toujours plus leur influence au sein de la mer Méditerranée puis au large des côtes réparties en Europe, dans le Proche-Orient et dans le nord du Maghreb actuel. Pourtant, le peuple qui compose cette puissance de l’Antiquité s’avère moins connu, et la population ne forme pas un bloc uni où toute personne porterait le même statut au sein de la société.

L’École d’Athènes, fresque de Raphaël, 1511, 550 x 770 cm, salles Raphaël, Palais Apostolique, Cité du Vatican.

La société romaine est dominée par les patriciens, des hommes citoyens de l’Empire qui sont nés dans des familles appartenant à la haute bourgeoisie de cette période, et qui ont la possibilité d’influencer les politiques publiques, économiques et militaires des territoires administrés par Rome. Cette classe sociale crée une fracture nette avec la plèbe, à l’influence amoindrie au sein de la société par rapport à la classe supérieure. Mais à quoi ressemble le quotidien des plébéiens ? Quel sort la société réserve-t-elle aux femmes ? Quelle est la condition des esclaves ? Comment le peuple est en mesure d’influencer les décisions de l’empereur ? Des contestations générales contre le pouvoir politique ont-elles eu lieu ?

Les patriciens (du latin patricius, dérivé de pater qui signifie « père ») sont des familles aristocrates qui ont une influence dans la vie politique et économique de Rome. Selon la tradition, il s’agit de cent familles qui ont été choisies par le premier roi de Rome, Romulus (771 av. J.-C.-716 av. J.-C) puis par ses successeurs pour former le Sénat, une institution politique centrale au temps de la République romaine.

Quant aux plébéiens (du latin plebs, plebis), ce sont par définition les individus ne faisant pas partie de l’aristocratie romaine. Leur origine et la connotation péjorative du mot prend source dans un refus d’un groupe d’individus de défendre la ville de Rome face à la possibilité d’une guerre en 494 av. J.-C. Pourtant, la cité est nouvellement encadrée par la République, et un des devoirs du citoyen est de protéger sa ville.

Les plébéiens sont généralement impliqués au cœur de la vie économique de l’Empire romain. Beaucoup d’entre eux pratiquent des métiers liés au monde de l’artisanat et du commerce. Cependant, même si certains arrivent à faire richesse dans leurs milieux respectifs, ces derniers ne sont toujours pas considérés comme appartenant à la catégorie supérieure, puisqu’ils ne sont pas nés en son sein. Ils n’ont donc pas d’influence particulière sur la vie politique de l’Empire. Pour le cas des citoyens les plus pauvres qui n’arrivent pas à dégager des revenus suffisants pour nourrir leur famille, ils survivent grâce à la charité des patriciens.

De plus, les plébéiens vivent couramment dans les insulaes, des immeubles romains implantés dans les villes et faisant au mieux six étages : ils répondent à l’accroissement démographique que connaît l’Empire romain après l’instauration par l’empereur Auguste (63 av. J.-C.-14 ap. J.-C.) en 27 avant J.-C. d’un processus de pacification des peuples nommé Pax Romana. Les individus plus riches s’installent dans les étages inférieurs tandis que les plus modestes vivent sous les toitures des bâtiments. Cependant, ces derniers sont souvent en mauvais état : des incendies et des effondrements fréquents sont à déplorer.

Toutefois, la société romaine fait de la santé publique une priorité, et mise sur la propreté des individus en installant des thermes et des latrines partout en ville : un bon citoyen doit être propre. Les thermes sont considérés comme des espaces publics. Ceux gérés par l’État sont la plupart du temps gratuits, même si le tarif peut augmenter en fonction des services disponibles qui accompagnent chaque usager. Si parfois les thermes possèdent deux salles distinctes pour les femmes et les hommes, des horaires d’utilisation sont dédiés pour chaque sexe par soucis de non- mixité. Les latrines sont des espaces publics où les personnes se rendent pour aller faire leurs besoins. Les couches populaires de l’Empire n’ont pas leurs habitations reliées aux réseaux d’égouts des villes, ce qui les oblige à fréquenter ces espaces. Bien que ces lieux soient utilisés à des fins d’hygiène et de santé corporelle, les thermes et latrines représentent comme tout espace public de l’Empire un lieu d’échanges. Les individus peuvent réaliser des négociations marchandes, mais aussi discuter des affaires politiques, économiques et sociales.

Les femmes ne rentrent pas dans la catégorie sociale des plébéiens. Elles ne sont pas des citoyennes, et donc n’ont aucune chance de pouvoir participer à la vie politique de l’Empire. Ainsi, elles sont complètement soumises à leur mari, et sont complètement intégrées au cadre familial encouragé par Rome. De plus, elles ne décident pas d’épouser un homme précis : les mariages sont organisés entre les familles de manière à maintenir la stabilité dans la descendance. Leur devoir en tant que mère de famille est principalement d’entretenir le foyer familial. En cas de problèmes au sein des mariés comme l’absence de plus de trois jours de la femme dans le lit conjugal, l’homme peut demander sans le consentement de son épouse la répudiation (le divorce) de cette dernière.

Or, certaines femmes célibataires s’impliquent dans des activités liées à la prostitution puisque cette dernière n’est pas condamnée par la loi, mais est réprimée moralement en cas d’abus. Il était en effet mal perçu que les désirs de la femme prennent le dessus sur son mari qui se doit d’entretenir sa virilité qui est exigée par la société romaine.

Vestales, peinture de Ciro Ferri, XVIIe siècle, Galerie Spada de Rome.

Pourtant, cette conception de ce que doit être une femme n’empêche pas les Romains de respecter et de vénérer les déesses de leur religion, comme Rhéa Silvia qui est la mère des fondateurs légendaires de Rome, Rémus et Romulus. Il y a également une grande considération des individus pour Cornelia Africana (189 av. J.-C.-100 av. J.-C) : elle est la mère de Tiberius (162 av. J.-C.-133 av. J.-C) et Caius Gracchus (154 av. J.-C.-121 av. J.-C), deux hommes qui ont l’ambition de réformer le système social de la République romaine. Enfin, des jeunes filles à Rome peuvent être choisies pour devenir une prêtresse au service de la déesse du foyer, de la fidélité et du feu nommée Vesta pour une durée de 30 ans, à condition qu’elles n’aient jamais eu de rapport sexuel, ce sont les Vestales.

La femme n’est donc pas libre : elle est assujettie par l’homme dans ses rôles sociaux et sexuels. Mais la représentation de figures féminines dans les histoires qui véhiculent de générations en générations montrent qu’elle a une certaine place dans la société romaine. Elle doit assumer un rôle de messagère des usages et des codes moraux de son temps. L’image de ce que doit être le peuple est véhiculée par des femmes telle que Tanaquil qui pousse son mari Tarquin l’ancien (616-575 av. J.-C.) sur le trône de Rome, alors qu’il s’agît d’un individu d’origine étrusque.

Les étrusques sont un peuple de la péninsule italienne ayant existé du IXe siècle au Ier siècle av. J.-C, avant d’être vaincu par Rome en 264 av. J.-C. puis absorbés petit à petit par les effets du brassage culturel dû à l’expansion de la République.

La présence d’esclaves est déjà monnaie courante au temps de la République romaine. Pendant la période impériale, près d’un tiers des leurs composent la société romaine. Ils n’ont aucun droit, et sont employés par les familles dans les cultures de céréales, dans l’industrie minière, dans le transport de marchandises, dans la construction de bâtiments publics ou encore dans l’éducation si ces derniers sont cultivés. Dans le cas où les esclaves sont considérés comme des membres de la famille ils peuvent recevoir le pécule, un revenu versé par le propriétaire.

Il s’agit d’une des clés possibles pour qu’un individu asservi obtienne sa liberté. Cependant les croyances communes poussent à croire que les arènes où combattent les gladiateurs sont un endroit où les esclaves peuvent facilement gagner leur libération. La fait est qu’il s’agit plutôt d’une pratique rare, qui n’est réalisable que grâce à des familles extrêmement riches et qui veulent bien prendre en charge les coûts importants demandés pour la formation et l’entretien d’un seul individu.

Comme les combats de gladiateurs, le pécule est versé de façon rarissime aux esclaves. Si par miracle un de ces derniers arrive à obtenir sa liberté, il doit prendre le nom de son ancien maître. Cependant, il n’est pas garanti qu’il puisse subvenir entièrement à ses besoins. N’ayant pas d’argent, il est probable qu’il continue à s’enfoncer dans des conditions très précaires.

Sous l’Empire, la condition des affranchis tend timidement à s’améliorer. Des anciens esclaves de l’empereur Claude (10 av. J.-C-54 ap. J.-C) comme Polybe (Ier siècle av. J.-C.) ou Narcisse (Ier siècle av. J.-C.) sont effectivement affranchis de l’administration impériale. Mais malgré leur fortune et leur influence importante, ils restent complètement soumis aux décisions de l’empereur.

Enfin, il est important de rappeler que l’esclavagisme n’est pas une pratique remise en cause au sein de la société romaine. La diffusion de la philanthropie dans les couches supérieures de la société romaine n’a pas vraiment eu d’influence sur la condition des esclaves. Des personnalités du monde antique comme le sénateur et philosophe romain Sénèque (4 av. J.-C-65 ap. J.-C) ou l’empereur romain Marc-Aurèle (121-180 ap. J.-C) qui sont réputés pour tenir des principes liés à la compassion entre les Hommes n’envisagent pas la fin du statut d’esclave.

Le système politique ne permet pas une représentation directe de toutes les couches sociales. De plus, les traitements placent les esclaves face à un désespoir ambiant. Ce sont des vecteurs qui tendent à renforcer les révoltes, les individus étant poussés par une volonté de gagner en droits et en reconnaissance.

Une des contestations notables a lieu entre l’an 66 et 74 après J.-C. Elle se forme dans la région romaine de Judée, au Levant. Plusieurs problèmes déclenchent les colères des populations autochtones. Tout d’abord, la population judéenne doit choisir entre deux possibilités : trouver rapidement du travail en tant que paysan par exemple, ou devenir esclave. De plus, les habitants de la région ne supportent pas la double pression exercée par l’autorité romaine et par des Grecs installés dans la même zone : les deux ethnies sont sujettes depuis longtemps à des rivalités qui remontent à la période d’expansion de la civilisation grecque (IVe-IIIe siècle av. J.-C.). Enfin, l’alphabétisation de certains individus dans la population tend à renforcer les exigences du peuple contre le pouvoir impérial, et affiche de plus en plus la volonté de gagner en autonomie. Les combats mènent à la défaite des contestations populaires, et environ 110 000 Judéens sont massacrés. Les survivants sont massacrés ou forcés à devenir esclaves.

Le système à l’apogée de l’Empire romain est fondé par l’empereur Auguste. Le souverain concentre des pouvoirs suprêmes en matière de politique civile et militaire. Il nomme des nouveaux membres au Sénat parmi d’anciens magistrats et des citoyens éminents qui se chargeront de nommer les gouvernements qui gèrent les provinces sénatoriales. L’empereur nomme également les gouverneurs des provinces impériales, commande l’administration romaine, et dirige l’armée entière. Rome est donc gérée selon une administration territoriale complexe mêlant l’empereur, le Sénat et les gouvernements locaux.

Le siège et la destruction de Jérusalem par les Romains sous le commandement de Titus, 70 ap. J.-C., peinture à l’huile sur toile de David Roberts, 1850, collection privée.

L’Histoire de l’Empire romain ne se résume pas qu’à ses aspects militaires. La population de ce vaste territoire est composée en plusieurs groupes qui pour la plupart d’entre eux cherchent à subvenir à leurs besoins essentiels (manger, boire, se loger). Les plébéiens, des citoyens qui par leurs activités font vivre l’économie du territoire, vivent le plus souvent parqués dans des habitations fragiles elles-mêmes situées dans des villes très peuplées. Mais malgré tout, l’hygiène n’est pas négligée par les masses, que cela soit pour faire ses besoins ou se laver le corps.

Du côté des femmes, les droits sont inexistants. Même si les histoires qui font état de la puissance convaincante de la femme pour répandre les bons codes moraux, elle est dans la réalité soumise à sa famille et ensuite à son mari. Certaines sont soumises de manière intense à la sexualité de l’homme en pratiquant des actes de prostitution.

Les esclaves, eux, ont encore moins de chances de devenir libres. Malgré les revenus distribués par leurs propriétaires et les rares combats dans les arènes, un esclave qui obtient par miracle une libération de sa servitude reste fragile et est encore dépendant d’une famille pour espérer survivre. D’ailleurs, ce système n’est pas remis en cause, même par ceux qui prônent l’amour des Hommes.

Cette soumission forcée pousse certains peuples de l’Empire à se révolter dans l’espoir de gagner des conditions de vie meilleures. Mais quand les tensions se font ressentir dans les divers pans de la vie quotidienne et que les révoltes éclatent, celles-ci sont pour la plupart du temps écrasées par un pouvoir inégalitaire à Rome.

Outre les célèbres combats de l’Empire, c’est cette mosaïque de classes sociales qui fait vivre la société romaine chaque jour sur le plan économique, et qui donne les ressources suffisantes au pouvoir politique pour mener son expansion puis sa politique de stabilisation.

Rédacteur : Adam AZOUAGH LYCOYANNIS

Catégories : Article Histo'Mag

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