Paris. Il fait nuit, la capitale française est endormie. Dans le septième arrondissement, le dernier – et officieux – Compagnon de la Libération rend son dernier souffle. Au petit matin, l’information parvient aux médias qui s’en emparent sous de nombreux formats. C’était le 13 mars 2024, et Philippe de Gaulle s’est éteint à l’âge de 102 ans. En guise d’hommage, retour sur son illustre carrière.
Philippe de Gaulle est né le 28 décembre 1921 à Paris, fils de Charles de Gaulle et Yvonne Vendroux. Son prénom, il l’hérite du maréchal Philippe Pétain, auquel les parents voulaient attribuer le titre de parrain de leur premier fils : Charles de Gaulle était alors assez proche du héros de la Première Guerre mondiale et enseignait à Saint-Cyr. Le petit Philippe a alors la chance de connaître ses grands-parents, en particulier son grand-père paternel Henri de Gaulle qui prend soin de lui parler de l’Histoire de France qu’il connaît si bien : Henri était professeur des écoles. Le premier fils du couple De Gaulle précède deux autres enfants : Elisabeth en 1924 et Anne en 1928.
D’abord élève de Navale après avoir étudié au collège Stanislas, Philippe de Gaulle devance l’appel de son père et devient le tout premier Français libre. Il s’engage expressément dans les Forces navales françaises libres puis apprend l’appel de son père dans les journaux : il découvre alors sa présence à Londres et l’y retrouve accompagné de toute la famille De Gaulle. Malgré les réticences de son père, Philippe de Gaulle prend part aux combats. A bord du cuirassé Courbet, il participe à la bataille d’Angleterre de juillet 1940 à octobre 1940 à Portsmouth. Il intègre ensuite l’Ecole navale de Grande-Bretagne et participe aux campagnes dans l’Atlantique Nord et la Manche.
Son investissement dans la Libération devient total lorsqu’il rejoint la deuxième division blindée de la France Libre en juillet 1942, dirigée par le général Philippe Leclerc de Hauteclocque, en tant que fusilier marin. Il effectue alors les différentes campagnes de la division puis débarque en Normandie en août 1944. Enfin en France ! Mais les réjouissances ne font que commencer : il faut encore se frayer un chemin pour atteindre Paris et reprendre le contrôle de la France entière. Le 25 août 1944, Paris est à eux ! Le Serment de Koufra n’est pour autant pas encore tenu : il reste encore à faire en sorte que « nos couleurs, nos belles couleurs, [flottent] sur la cathédrale de Strasbourg ». La deuxième division blindée de la France Libre pénètre finalement dans Strasbourg le 23 novembre 1944, et cette fois, cette fois seulement, la France est à eux.
En 1947, il se fiance à Henriette de Montalembert, avec qui il eut quatre fils : Charles, Yves, Jean et Pierre. Alors en service, il sert aux guerres d’Indochine puis d’Algérie.
Par peur de népotisme de la part de son père, Philippe de Gaulle n’est pas fait Compagnon de la Libération. En effet, ne souhaitant pas être accusé de favoritisme, Charles de Gaulle prend la décision de ne pas décorer son fils. Après la guerre, il se fait des plus discret sur la scène nationale, préférant se passionner pour sa carrière dans la Marine nationale. Il devient lieutenant de vaisseau en 1948, capitaine de corvette en 1956, contre-amiral en 1971 – et nommé responsable d’une escadre de l’armée française à Amsterdam – puis devient enfin amiral en 1980. Sa carrière prend fin en 1982 lorsqu’il est admis à la retraite.
Retraité de l’armée mais toujours déterminé à servir, il s’engage en politique et est élu sénateur de Paris le 28 septembre 1986, et ce jusqu’en 2004. Parallèlement, il veille à l’entretien de la mémoire gaullienne en tant que « fils ébloui » comme il aimait dire. Il publie ses Mémoires accessoires en deux tomes de 1997 à 2000, mais c’est l’ouvrage relatant son entretien avec Michel Tauriac qui reste relativement connu : intitulé De Gaulle mon père, le dialogue sur sa relation avec son père est publié en deux tomes de 2003 à 2004. Contre toute attente, le livre est un succès en librairie.
Le temps avançant, Philippe de Gaulle se fait de plus en plus discret. Ce n’est qu’en 2019 qu’il est convié à l’Assemblée nationale pour inaugurer une stèle en son honneur, célébrant un “moment d’histoire” comme il y est inscrit, et témoignant de la libération du Palais Bourbon, siège de l’institution phare de la République.
C’est un homme de convictions et de valeurs qui s’en est allé, laissant l’héritage gaullien comme illustre mission à ses fils. Pour le meilleur et pour le pire, Philippe de Gaulle était l’éternel « fils de… », ce qui fut l’essence d’une grande frustration tout au long de sa carrière, mais également une mission de préserver et d’entretenir l’héritage bientôt séculaire qu’a laissé son père. Pourtant, Philippe de Gaulle n’a rien à envier à son père : il fut un militaire talentueux, un résistant acharné, « un père formidable et un grand Français », selon les mots de son fils cadet Pierre de Gaulle.
Rédacteur : Julien Davain