Nous sommes en 1516 et le monde est au cœur de la Renaissance. Cette période de l’Histoire est marquée par la redécouverte – la Renaissance – des textes des Anciens. En France, on se souvient principalement d’Erasme et son Eloge de la folie, ou encore Montaigne et ses Essais. En Italie, c’est Raphaël et Michel-Ange qui prédominent, mais c’est Léonard de Vinci, né en 1452 d’un notaire non marié, toscan, qui gagne en popularité dans le monde entier. Malgré la honte de l’époque d’être un enfant « bâtard », Léonard de Vinci s’épanouit et étudie le dessin avec l’artiste italien Verrocchio. Jeune artiste, il se place sous la protection de l’influente famille Sforza mais ne parvient pas à livrer ses commandes en temps et en heure. Ses finances allant pourtant mal, il se sépare de son mécène. En France, Louis XII se passionne pour l’œuvre de Léonard de Vinci. Il le convie avec insistance à la cour de France sans succès, Léonard de Vinci tenant à son univers florentin.

Il se trouve qu’en France, un roi manifestait un grand intérêt pour l’art. Celui-ci est l’un des plus grands mécènes de son siècle et se passionne pour différentes cultures : il eut d’ailleurs de riches échanges avec le sultan de l’Empire Ottoman, Soliman le Magnifique. Ce roi n’est autre que François Ier, né en 1494 et mort en 1547, roi de France dès 1515. En effet, son prédécesseur Louis XII, n’ayant aucun descendant mâle, avait désigné François Ier comme son successeur depuis de nombreuses années, lui ayant offert la main de sa fille Claude de France. Le jeune homme jouit d’une éducation hors-pair par sa mère Louise de Savoie, convaincue que son fils est destiné à un vaillant avenir. Une fois roi, François Ier tient à conquérir le duché de Milan – à l’heure où l’Italie est encore fragmentée en provinces – duquel il se dit digne héritier par son arrière-grand-mère. C’est ainsi qu’éclate la cinquième guerre d’Italie en 1515, qui se solde par la célèbre victoire de Marignan, les 13 et 14 septembre de la même année. François Ier est le précurseur de cette idée d’un Etat centralisé. Il comprend très vite l’importance de la culture et du patrimoine dans un pays.

Léonard de Vinci perd son mécène, Julien de Médicis, de manière prématurée en 1478. Il peine alors à financer ses projets, payés auparavant grâce au mécénat de Julien de Médicis. Parallèlement à cela, Léonard de Vinci est petit à petit dépassé par la nouvelle génération florentine qui se montre particulièrement ambitieuse. A Florence, ville symbole de la Renaissance, Léonard de Vinci aperçoit déjà les premières difficultés tant financières que sur le plan du succès. En Italie, la famille de Médicis fut au cœur de la Renaissance italienne et joua un rôle prépondérant dans le développement de la culture et du patrimoine artistique par le mécénat. C’est d’ailleurs le grand-père de Julien de Médicis, Cosme, qui, le premier, allia la banque des Médicis au mécénat et intégra ainsi le monde artistique. Le frère de Julien, Laurent dit « le Magnifique », reste également célèbre pour sa contribution au développement du patrimoine artistique florentin.

Tout commence alors en 1516. François Ier se montre grand admirateur du travail de l’inventeur, déjà reconnu en Europe, et le convie en France, après une première rencontre à Milan en 1515 alors que François Ier dirigeait les guerres d’Italie pour reconquérir son duché. Les guerres d’Italie sont de nombreuses batailles menées par la France contre l’Italie. Elles commencent en 1494 sous Charles VIII et se poursuivent jusqu’en 1559 sous Henri II. A cette période, Léonard de Vinci est devancé par la nouvelle génération : ce sont Raphaël et Michel-Ange qui séduisent désormais la cité romaine. C’est alors que Léonard de Vinci serait parti à dos d’âne pour traverser les Alpes et se rendre en France. Accueilli chaleureusement par le roi de France, Léonard de Vinci est logé au manoir du Cloux, devenu le Clos Lucé, grande bâtisse de style gothique située à proximité du château d’Amboise, où loge François Ier. La rencontre des deux grands hommes est décisive : une relation fraternelle se construit entre eux, François Ier octroie de nombreuses faveurs à l’artiste, parmi lesquelles il le nomme « premier peintre, ingénieur et architecte du roi ». Ainsi, Léonard de Vinci s’épanouit dans, désormais, son pays d’adoption, et se livre à l’organisation de nombreuses fêtes prestigieuses en l’honneur du roi, comme le permettaient ses attributions. 

La Joconde, peinture à l’huile sur bois, 1506, conservé au Musée du Louvre, Paris.

Léonard de Vinci, sur le dos de sa mule, n’était pas arrivé en France en visiteur : l’artiste apportait avec lui trois peintures incontournables. Le Saint Jean-Baptiste, la Sainte Anne mais surtout, La Joconde. Cette peinture des plus raffinées, meilleur exemple de la technique de peinture révolutionnaire qu’est le sfumato – l’art de rendre « flou » l’arrière-plan, tout en gardant une exceptionnelle précision – sera plus tard l’œuvre la plus célèbre du monde, faisant la renommée du plus prestigieux musée d’art français, le Louvre.

Toutefois, la collaboration entre les deux grands hommes ne se fait pas principalement par la peinture. Léonard de Vinci, par son nouveau « titre », est chargé des plus grandes fêtes du royaume de France. Il est responsable de l’organisation de baptêmes royaux ou encore de mariages, mais est restée relativement célèbre une invention majeure de Léonard de Vinci : il imagine un grand tigre de bois qui, à l’arrivée du roi de France, laisse tomber de sa gueule une gerbe de lys, symbole de la puissance royale de France.

Quelque temps après son arrivée en France, les projets de Léonard de Vinci s’illustrent désormais principalement sur le plan architectural. En effet, il reste très célèbre pour avoir laissé sa trace sur un escalier des plus audacieux : l’escalier hélicoïdal de Chambord. Les travaux ayant commencé en 1519, il semble impossible que l’inventeur ait dirigé les travaux. Cependant, Léonard de Vinci s’étant passionné pour la forme de l’hélice, il semble évident que l’escalier de Chambord soit le fruit de ses travaux. 

La collaboration entre les deux hommes se poursuit avec l’imagination d’une cité somptueuse située à Romorantin, comme nouvelle capitale. Les plans sont audacieux, modernes, et donc à l’image de l’inventeur toujours à la recherche d’innovations. Léonard de Vinci imagine donc une ville nouvelle à Romorantin. Il souhaite y construire un double palais autour de la Sauldre, de grandes écuries royales pour recevoir la cour du roi ainsi que de nombreuses maisons autour du château. L’objectif était de rapprocher le roi de sa mère, Louise de Savoie, qui logeait dans un château à Romorantin. Le projet commence à voir le jour en 1518, mais Léonard de Vinci tombe gravement malade, n’ayant eu le temps que de construire un système de canalisations et de rehausser le terrain pour le placer hors des crues. Il aurait été victime d’un AVC qui le paralyse et l’empêche d’assumer les responsabilités d’un projet aussi audacieux. Pourtant, il avait déjà terminé les plans d’un château majestueux, et imaginait un château autour d’une pièce maîtresse : un escalier à quatre hélices. Le projet est abandonné, et Léonard de Vinci rend son dernier souffle le 2 mai 1519 à 67 ans dans son château du Clos Lucé.

La relation entre les deux hommes n’était pas que professionnelle : elle s’est avérée fraternelle, fruit d’une admiration commune l’un pour l’autre. François Ier passionné d’art, d’architecture, d’innovations, Léonard de Vinci grand inventeur et homme de génie, les deux hommes construiront pendant trois années une relation hors normes. Alors que l’arrivée du génie en France ne devait être qu’un événement diplomatique pour affirmer la puissance du royaume de France aux mains de François Ier, cette rencontre permettra la construction d’un des plus beaux châteaux de France : le château de Chambord, dans le Val de Loire.

Le projet d’une grande cité à Romorantin est donc avorté, pour laisser place à un projet plus modeste, mais surtout beaucoup plus réaliste : Chambord. C’est l’architecte Dominique de Cortone qui est chargé de la construction de l’édifice, débutée dès 1519 après la disparition de Léonard de Vinci. Au cœur du château, on retrouve cet escalier à double hélice qui témoigne de la présence de l’inventeur dans l’histoire du château. 

C’est ainsi que se termine l’épopée d’une amitié hors du commun, entre un roi de France à l’apogée de sa gloire et un vieil artiste dont la gloire n’est plus, mais le génie toujours intact. Chambord peut être considéré comme l’héritage de cette relation fusionnelle, symbole du mécénat et de la grandeur de la Renaissance par les nombreuses innovations découvertes.

Bibliographie :
Léonard de Vinci : son histoire secrète avec la France, [En ligne], France Info, disponible sur : https://www.francetvinfo.fr, consulté le : 14/01/2023, publié le : 16/10/2019.
Léonard de Vinci : le favori de François Ier, [En ligne], Lumni, disponible sur : https://www.lumni.fr/video/leonard-de-vinci-le-favori-de-francois-1er consulté le : 14/01/2023, publié le : 01/04/2022.
– de BOURBON PARME, Amélie, Histoire : Léonard de Vinci arrive en France, sur invitation du roi mécène François Ier, [En ligne], Le Parisien, disponible sur : https://www.leparisien.fr, consulté le : 14/01/2023, publié le : 07/10/2018.
– RONDONNIER Marine, Romorantin : Léonard de Vinci voulait construire une ville nouvelle quatre fois plus grande que Chambord, [En ligne], France 3 Centre-Val-de-Loire, disponible sur : https://france3-regions.francetvinfo.fr.
Le mystère de l’escalier hélicoïdal du château de Chambord, [En ligne], National Geographic, disponible sur : https://www.nationalgeographic.fr, consulté le : 14/01/2023, publié le : 25/08/2021.

Rédacteur : Julien Davain

Catégories : Article

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