Le 18 juin 1815, la défaite de Waterloo scelle le destin de l’Empereur Napoléon 1er. De retour à Paris, il abdique en faveur de son fils et se retire à la Malmaison. Sa présence à quelques kilomètres de la capitale gêne le gouvernement provisoire, qui pousse Napoléon à partir de la Malmaison. De plus, la dangereuse avancée de l’armée prussienne force l’Empereur à partir pour Rochefort. De là, il souhaite obtenir des sauf-conduits pour partir en Amérique. Les sauf-conduits promis par le gouvernement n’arrivent pas, et le roi Louis XVIII est revenu. Napoléon prend la décision de se rendre aux frégates anglaises qui surveillent le port (dont elles ont pour mission d’attraper Napoléon), malgré les nombreuses tentatives qui lui sont proposées pour passer en Amérique. C’est ainsi que le 15 juillet, il monte à bord du Bellerophon où il est conduit en Angleterre, sans jamais pouvoir y poser le pied. Le gouvernement anglais en a décidé autrement : Napoléon est désormais un prisonnier de guerre et sera envoyé sur la lointaine petite île de Sainte-Hélène. Transféré sur le Northumberland, le 4 août, Napoléon et sa suite arrivent à Sainte-Hélène le 17 octobre 1815, sur cette île “chiée par le diable” (Mme Bertrand). Ce long exil de 6 ans se termine le 5 mai 1821, à la mort de Napoléon. De nombreux mystères planent autour de sa mort. De quoi est-il mort ? Comment ? A-t-il été empoisonné ? C’est ce que l’équipe d’Histo’Mag vous propose de découvrir…

Longwood House, la demeure de Napoléon à Sainte-Hélène dans laquelle il a vécu les six dernières années de sa vie, de 1815 à 1821.
Le Général comte C. T. de Montholon (1783-1853) a suivi Napoléon à Sainte-Hélène.

Dans sa lettre du 1er novembre 1820, l’officier d’ordonnance, le capitaine Lutyens, chargé de s’assurer de la présence du captif, rapporte : « Ayant appris ce matin que le Général Bonaparte1 était malade […], j’en ai parlé au comte Montholon. Il m’a informé que le Général Bonaparte était très malade […] ses pieds et ses mains étaient terriblement blancs et froids, et ce froid remontait jusqu’aux cuisses et aux bras »2. En effet, depuis le mois de juillet 1820, la santé de Napoléon commence à décliner fortement.
Il a toujours été quelqu’un de très actif, pouvant travailler toute une journée, galoper des heures entières. Mais Sainte-Hélène contraint Napoléon à changer radicalement de mode de vie. Désormais, au travail intensif, l’ennui et l’inactivité règnent en maîtres. Au fil des années d’exil, l’entourage de Napoléon se réduit : départ de Las Cases (1816), décès de Cipriani, départ de la famille Balcombe, de Gourgaud, d’O’Meara (1818), départ de Mme Montholon (1819). À cette solitude montante et cet ennui vient s’ajouter l’insalubrité de Longwood : humidité, moisissures, rats… Cet ensemble funeste provoque la décadence de sa santé physique et mentale.

Le 17 mars 1821, sur les insistances de Montholon, Napoléon sort pour se promener, mais, pris par un frisson, il fait demi-tour, se remet au lit pour ne plus jamais en sortir. Un mal intérieur le ronge au niveau du bas-ventre et il décrit la douleur comme des coups de canifs, comme si quelqu’un s’amusait à remuer un couteau dans son bas-ventre. Malgré ses souffrances, il trouve la force de dicter puis de recopier intégralement son testament, en avril 1821. Il s’éteint finalement après une longue et douloureuse agonie le 5 mai 1821, à 17h49. Il a 51 ans.

Le lendemain, 6 mai, le docteur Antommarchi réalise une autopsie sur le corps de l’Empereur, autopsie demandée par Napoléon lui-même afin de protéger son fils et éviter qu’il ne succombe de sa maladie. Cette autopsie permet de découvrir l’origine de la maladie : l’estomac. Celui-ci comporte un ulcère (lésion qui se forme dans la paroi de l’estomac) tellement gros qu’on peut « y passer le petit doigt »3. Cependant, cet ulcère a été bouché par le foie qui a adhéré à l’estomac. En réalité, l’estomac de Napoléon est perforé par « un grand nombre de petites ulcérations de la muqueuse gastrique : une vraie gastrite chronique » 4. Les connaissances en médecine à l’époque n’étant pas suffisantes, on attribue le décès de Napoléon à un cancer de l’estomac. Cette hypothèse est la plus connue et répandue. Cependant, nous pouvons la remettre en question. En effet, à sa mort, Napoléon ne présente pas tous les symptômes d’un cancer de l’estomac, comme la perte massive de poids, malgré qu’il en ait perdu. De plus, nous ne possédons pas d’analyse des cellules de l’estomac pouvant prouver qu’il y a eu un cancer, cette pratique n’existait pas encore.

Une autre hypothèse concernant la mort de Napoléon a vu le jour dans les années 60. Un jour, Sten Forshufvud, un stomatologiste et passionné d’histoire, achète les Mémoires de Marchand, le valet de Napoléon à Sainte-Hélène. En les lisant, et plus particulièrement en découvrant les symptômes de la maladie de l’Empereur, il a une « révélation » : pour Forshufvud, Napoléon serait mort des suites d’un empoisonnement à l’arsenic. Il y voit les symptômes d’une intoxication à l’arsenic. Mais encore faut-il prouver ce qui pourrait à jamais changer la vision de l’exil.

Représentation de la mort de Napoléon.

Il se procure et fait analyser des mèches de cheveux de Napoléon, et le résultat est sans appel : il y a des traces d’arsenic dans les cheveux. L’Empereur serait donc mort empoisonné. Mais cet empoisonnement est-il volontaire ou involontaire ? Pour Forshufvud, Napoléon a été victime d’un complot visant à l’assassiner. D’après lui, le coupable était Montholon. Les « empoisonnistes » avancent 3 mobiles : premièrement, les gouvernements ayant peur d’un retour de l’Empereur, il était préférable de se débarrasser de la menace. 2e mobile possible : le coût de la captivité de Napoléon pour le gouvernement anglais. Charger Montholon d’assassiner Napoléon aurait fait économiser de l’argent. Enfin, le comte d’Artois, frère du roi Louis XVIII, frustré de voir Napoléon aux mains du gouvernement anglais et non français, aurait très bien pu charger Montholon de l’empoisonner. À noter que le comte d’Artois avait déjà tenté de faire assassiner Napoléon par le passé. Comment Montholon aurait procédé pour empoisonner Napoléon à petit feu afin de ne pas éveiller les soupçons ? De par ses fonctions, Montholon avait accès à la cave à vin où il pouvait donc verser le poison (de la mort aux rats, Longwood en étant infesté) dans les bouteilles de vin de l’Empereur, qui étaient uniquement destinées à son usage.

Cette thèse, convaincante sur le papier, n’est en réalité fondée sur aucune preuve, seulement sur des convictions. En effet, jamais aucune preuve, ne serait-ce qu’une lettre, en faisant mention n’a été trouvée : “S’il n’y a pas de preuves, c’est parce que c’est confidentiel”. De plus, incriminer Montholon n’était pas un choix judicieux : ce dernier est resté toute sa vie fidèle aux Bonaparte puisqu’il a suivi Louis Napoléon Bonaparte, le futur empereur Napoléon III dans sa tentative ratée de coup d’État de Boulogne et a même fini en prison à ses côtés ! Enfin, la preuve phare de cette théorie, les traces d’arsenic dans les cheveux de Napoléon, prouvant un empoisonnement, sont aussi mal interprétées. En effet, on a retrouvé des taux d’arsenic similaires à Sainte-Hélène sur des cheveux impériaux tout au long de sa vie, on a aussi retrouvé ces taux sur des cheveux des proches. L’arsenic était en effet omniprésent : il était utilisé notamment dans les peintures, comme la couleur verte, la couleur préférée de Napoléon, ce qui pourrait expliquer pourquoi ces taux sont si élevés notamment à Sainte-Hélène, où la chambre de Napoléon était couverte de tapisserie verte. Ainsi, nous pouvons en conclure que Napoléon n’est pas mort empoisonné à l’arsenic.

Napoléon n’est donc pas mort d’un cancer de l’estomac, ni d’un empoisonnement à l’arsenic, mais des suites de ses ulcères de l’estomac. En effet, les ulcères de l’estomac peuvent être provoqués par le stress, et la vie de Napoléon en était remplie, surtout à Sainte-Hélène. Le 16 janvier 1819, Napoléon décide d’aller visiter le chantier de sa nouvelle maison. Il est très déçu par la maison. Cette ultime déception a (peut-être) provoqué une crise violente : l’Empereur éprouve soudainement une vive douleur dans le bas-ventre, s’évanouit même. Les docteurs Lemaire et Goldcher estiment que l’estomac de Napoléon se serait perforé de son gros ulcère ce jour-là, et il aurait pu en décéder, si son foie n’avait pas adhéré à l’estomac, rebouchant ainsi la lésion. Cependant, cette perforation entraîne une hémorragie interne continue, affaiblissant de plus en plus Napoléon.

« En saignant continuellement de l’estomac, Napoléon s’affaiblit toujours davantage d’année en année jusqu’à ce que survienne une grave anémie ferriprive »5: le corps n’a plus assez de fer pour produire de nouveaux globules rouges. Napoléon va droit vers la mort. Seulement, il n’aurait pas dû mourir le 5 mai 1821. Sa mort est accélérée par une grave erreur médicale. En effet, le 3 mai, sur consultation des médecins Arnott, Shortt et Mitchell, et malgré l’opposition d’Antommarchi à un tel traitement, une dose de 10 grains de calomel est administrée à l’Empereur. Le calomel, remède courant à l’époque pour provoquer des selles, est composé entre autres de chlorure de mercure. Or, le mercure est très toxique et provoque de fortes hémorragies internes, aggravant encore plus les pertes sanguines de Napoléon, abrégeant ainsi ses souffrances. On estime qu’il avait perdu 40% de son volume sanguin.

1 Le gouvernement anglais refusait d’accorder à Napoléon son titre d’Empereur
2 Letters of Captain Lutyens, Lees Knowles
3 Cahiers de Sainte-Hélène, Henri Gatien Bertrand
4 Au chevet des Bonaparte, Alain Goldcher
5 Napoléon à Sainte-Hélène, Pierre Branda
  • Pierre BRANDA, Napoléon à Sainte-Hélène, Paris, Perrin, 2021.
  • Thierry LENTZ, Jacques MACÉ, La mort de Napoléon, Paris, Perrin, 2021, coll. « tempus ».
  • Henri Gatien BERTRAND, Les cahiers de Sainte-Hélène, Paris, Gallimard, 2021
  • BRANDA Pierre, HICKS Peter, HOUDECEK, LENTZ Thierry (dir.), MACÉ Jacques, PRÉVOT Chantal, La bibliothèque de Sainte-Hélène, Paris, Perrin, 2021.
  • Louis MARCHAND, Mémoires de Marchand, Paris, Tallandier, 1985.
  • André CASTELOT, Napoléon Bonaparte. Edition du bi-centenaire., Paris, Tallandier, 1969.

Rédactrice : Eva V.

Catégories : Article Histo'Mag

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