Les Jeux olympiques de Berlin demeurent l’un des événements sportifs les plus controversés et significatifs de l’histoire moderne. Ces Jeux, organisés sous l’égide du régime nazi dirigé par Adolf Hitler, furent marqués par une utilisation habile du sport à des fins politiques et par une tentative de propagande visant à présenter l’Allemagne comme une nation puissante et unie. Toutefois, l’événement a également été l’occasion de performances sportives remarquables et de moments historiques.
Le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé chancelier du Reich par le président Hindenburg. Le Parti ouvrier allemand national-socialiste (N.S.D.A.P.), profite donc de cette accession au pouvoir pour propager ses idéologies racistes, antisémites et homophobes à travers l’Allemagne conquise.
Afin de renforcer et démontrer ses propos, le parti du jeune dirigeant est contraint de faire usage de multiples moyens de propagande, de terreur et de démonstration. Très vite, une idée se développe au sein du parti : utiliser les Jeux Olympiques comme vitrine de la supériorité de la race allemande. La décision de confier les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin a été prise en 1931, alors que le monde est en proie à des bouleversements politiques et économiques.
L’Allemagne, à cette époque, est dirigée par le parti nazi.
Dès lors, le Comité International Olympique (CIO) est confronté à un dilemme : maintenir le caractère apolitique des Jeux Olympiques ou prendre position contre les idéologies nazies.
Les partisans de l’élection de Berlin mettent en avant l’idée que les Jeux pourraient servir de moyen de réconciliation après la Première Guerre mondiale et que l’Allemagne pourrait montrer sa nouvelle stabilité et sa volonté d’ouverture sur le monde. Cette perspective attirante convainc le CIO de maintenir la décision d’organiser les Jeux à Berlin, malgré les signes croissants de discrimination et de répression sous le régime nazi. De plus, les infrastructures sportives nécessaires à l’organisation des JO sont déjà prêtes en raison de la précédente attribution des Jeux à Berlin, en 1916, annulés pour faits de guerre.
Le boycott des Jeux olympiques de Berlin est principalement motivé par des considérations politiques et morales. Plusieurs nations, notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, expriment leur préoccupation quant aux violations des droits de l’homme perpétrées par le régime nazi.
Les politiciens, les athlètes et les militants critiquent l’idée de participer à des Jeux olympiques organisés par un gouvernement qui promeut l’idéologie raciste et discriminatoire.
Un certain nombre d’athlètes et d’activistes, dont l’éminent sprinter afro-américain Jesse Owens, ont également plaidé en faveur du boycott. Owens, qui finira par participer aux Jeux et remportera quatre médailles d’or, est lui-même témoin de la ségrégation raciale aux États-Unis et reconnait les implications politiques de sa participation.
Bien que certains athlètes et nations choisissent de participer aux Jeux, malgré les appels au boycott, plusieurs nations ont répondu à l’appel.
Au total, 49 nations participent tandis que 53 autres boycottent l’événement.
Certains pays organisent quant à eux leurs propres compétitions alternatives, telle que la “Copa del Mundo” en Espagne.
Les Jeux olympiques sont transformés en un spectacle soigneusement orchestré de propagande nazie. Tout d’abord, le régime cherche à embellir la ville de Berlin pour montrer sa prospérité et son développement.
Les infrastructures sportives modernes, comme le stade olympique de renommée mondiale, sont construites pour impressionner les visiteurs étrangers. Cela permet au régime de projeter une image de force et de modernité. La propagande raciste est également habilement intégrée dans l’événement.
Les nazis minimisent la persécution des Juifs et des autres groupes ciblés afin de masquer la véritable nature du régime. Les athlètes juifs allemands, tels que la célèbre gymnaste Gretel Bergmann, sont écartés de l’équipe olympique pour éviter toute controverse internationale. Cette exclusion est un exemple flagrant de la façon dont le régime a utilisé les Jeux pour masquer ses véritables intentions. Par ailleurs, le régime nazi tente de manipuler la participation internationale aux Jeux olympiques.
Les efforts sont faits pour éviter les boycotts et les protestations.
Les nazis suspendent temporairement les activités antisémites et autorisent les athlètes juifs étrangers à participer aux Jeux pour apaiser les craintes de discrimination.
Cependant, cette ouverture est uniquement superficielle, visant à maintenir une façade internationale positive.
Les Jeux olympiques de Berlin furent représentés par deux sites sportifs majeurs : le stade olympique et le village olympique. Le Stade Olympique, conçu par l’architecte Werner March, est le joyau architectural des Jeux de 1936. Sa caractéristique la plus distinctive était la tour de clocher de 77 mètres de haut, symbolisant la puissance et la grandeur de l’Allemagne nazie. Le stade pouvait accueillir plus de 100 000 spectateurs et était le théâtre principal des compétitions athlétiques, dont la cérémonie d’ouverture et de clôture.
Le Village Olympique, une première dans l’histoire des Jeux Olympiques, a été aménagé pour héberger les athlètes participant à l’événement. Il comprenait des bâtiments modernes avec des chambres spacieuses, des espaces de loisirs et même une piscine. Cela a établi un précédent pour les éditions ultérieures des Jeux Olympiques, en mettant l’accent sur le confort et le bien-être des participants. Sous la direction de Rudolf Laban, la cérémonie inaugurale eut lieu le 1er août 1936 devant les 100 000 spectateurs rassemblés au Stade olympique de Berlin.
Initialement, ces spectateurs assistèrent au défilé des brigades des Jeunesses hitlériennes.
Puis, lorsque que l’orchestre commença à jouer la “Marche d’hommage” du compositeur allemand Richard Wagner, le chancelier Adolf Hitler fit son entrée dans le stade, salué par le geste nazi de la foule. Il rejoignit ensuite le comte Henri de Baillet-Latour, président du Comité international olympique, ainsi que les autres membres du comité d’organisation, dans les tribunes.
Peu de temps après, Adolf Hitler déclara officiellement l’ouverture des Jeux olympiques de Berlin, sans prononcer de discours.
La flamme olympique fit son entrée dans le stade, portée par plus de 3 000 athlètes lors d’un relais.
Finalement, l’athlète allemand Fritz Schilgen eut l’honneur d’allumer la vasque olympique en tant que dernier porteur du flambeau.
Cette cérémonie marqua la première introduction de la flamme olympique dans la cérémonie d’ouverture des Jeux, une idée proposée par le professeur Carl Diem. De plus, cet événement fut le tout premier à être retransmis en direct à la télévision.
Jesse Owens, le héros des Jeux
Le sprinteur afro-américain Jesse Owens, originaire des États-Unis, se démarqua comme le héros des Jeux de Berlin. Il décrocha la médaille d’or dans chacune des quatre épreuves auxquelles il participa lors de ces jeux.
Le 3 août 1936, lors de la finale du 100 mètres, Owens se plaça sur la deuxième ligne de départ. En seulement quelques enjambées, il distança tous ses rivaux, y compris son compatriote Ralph Metcalfe, réalisant un temps impressionnant de 10,3 secondes.
Le jour suivant, âgé alors de 23 ans, Owens ajouta une deuxième médaille d’or à son palmarès en triomphant dans l’épreuve de saut en longueur, tout cela sous le regard d’Adolf Hitler. Dans un duel tendu avec l’athlète allemand Luz Long, Owens prit l’avantage lors de son dernier saut, établissant un nouveau record olympique de 8,06 mètres.
Le lendemain, Owens remporta une victoire éclatante dans la course de 200 mètres, devançant de quatre dixièmes de seconde (environ 4 mètres) son successeur Mack Robinson.
Finalement, le triomphe de Jesse Owens atteignit son apogée le 9 août avec le relais 4×100 mètres américain. Au départ du premier relais, il creusa rapidement l’écart sur les équipes italienne et allemande.
Les États-Unis remportèrent la course en établissant un nouveau record mondial de 39,8 secondes, une marque qui demeura imbattue pendant vingt ans.
Les exploits de cet athlète résonnent d’autant plus fort qu’ils eurent lieu à Berlin en 1936, lors d’une manifestation olympique utilisée à des fins de propagande en faveur des idées sur la supériorité de la race aryenne par rapport aux Juifs et aux Noirs. Postérieurement à la guerre, une légende prétendit qu’Adolf Hitler avait quitté la tribune sans saluer Jesse Owens, le vainqueur du 100 mètres, en raison de sa couleur de peau. Cependant, la véritable raison était bien plus simple.
Le premier jour des jeux, Hitler avait félicité tous les athlètes allemands, incitant le Comité olympique à demander, pour préserver la neutralité des Jeux, qu’il félicite tous les athlètes ou aucun. Hitler opta pour la seconde option et s’abstint de serrer la main de tout athlète pendant la durée des jeux.
En athlétisme, les États-Unis dominent en remportant presque la moitié des épreuves. Glenn Morris, athlète américain, se couronne champion lors de son troisième et dernier décathlon. Sa compatriote Helen Stephens brille en remportant deux médailles d’or au total.
Les lanceurs allemands raflent les cinq titres allemands.
Le marathon est amélioré avec des repères kilométriques pour aider les concurrents à évaluer leur performance.
Des points de ravitaillement abondamment approvisionnés sont disposés tous les trois kilomètres, accompagnés de points chronométriques pour mesurer l’écart avec les concurrents précédents, ce qui réduit considérablement les abandons. L’équipe française de cyclisme quitte les jeux avec une impressionnante récolte de sept médailles réparties sur six épreuves.
Robert Charpentier se distingue en remportant la course sur route individuelle, ainsi que les épreuves de contre-la-montre par équipes et de poursuite par équipes (4 000 m). En gymnastique, les Allemands Alfred Schwarzmann et Konrad Frey brillent en remportant un total de six titres olympiques.
Dans l’épreuve du deux de couple en aviron, l’équipe britannique composée de Leslie Southwood et Jack Beresford décroche la victoire dans un final serré. Noël Vandernotte, un barreur français de douze ans et demi, marque l’histoire des Jeux olympiques en obtenant deux podiums en deux et quatre barré, devenant ainsi le plus jeune médaillé.
En natation, le Japon domine les compétitions avec un total de onze médailles.
Au plongeon, Marjorie Gestring des États-Unis, âgée de treize ans et 267 jours, devient la plus jeune championne olympique de tous les temps. Les cavaliers allemands s’imposent dans toutes les épreuves d’équitation.
Dans les sports collectifs, les Jeux de Berlin voient les États-Unis triompher en basket-ball, l’Italie en football, l’Allemagne en handball à onze et l’Inde en hockey sur gazon.
Ces Jeux marquent ainsi la dernière inclusion du sport automobile (en démonstration à Berlin). Parmi les 125 voitures inscrites, les allemandes sont les favorites, avec seulement une voiture britannique, une Singer Le Mans 1500, pilotée par la Britannique Betty Haig, petite nièce du maréchal Douglas Haig. Neuf jours plus tard, elle rentre dans l’histoire en remportant l’épreuve, devenant ainsi la première femme à battre des hommes dans une compétition olympique.
Les Jeux olympiques de Berlin 1936 continuent de susciter des débats et des réflexions sur la relation entre le sport et la politique.
L’événement a souligné la capacité du sport à être utilisé comme outil de propagande politique, tout en mettant en lumière le pouvoir des athlètes individuels de résister à cette manipulation et de briser les barrières de discrimination. L’héritage de Jesse Owens, en particulier, symbolise la force du sport pour transcender les limites imposées par la société.
En conclusion, les Jeux olympiques de Berlin 1936 restent un chapitre complexe et controversé de l’histoire olympique. Ils ont illustré la manière dont le sport peut être utilisé à des fins politiques, tout en montrant que les performances sportives exceptionnelles peuvent défier les discours haineux et discriminatoires. Cet événement continue de nous rappeler l’importance de préserver l’intégrité du sport et de promouvoir les valeurs d’égalité, de respect et de fair-play.
Rédacteur : Alexis KICA, Their Memory